Sauce Traviata
Cette sauce à spâââ-ghetti qui se mélange aux pâââââ-teuh…
Et ben
voilà, depuis hier, j’ai de la sauce à spaghetti dans les oreilles. Elles pourraient
tout aussi bien être pleines de tampons (à moins que ce ne soit des serviettes
hygiéniques?) mais non, c’est de la sauce. Vous vous souvenez de cette pub en
noir et blanc, avec une femme sur un voilier ? D’accord je vous ramène à
une époque où ça se pourrait bien que je ne savais même pas ce qu’il pouvait
bien y avoir dans les paquets de Vania ou de OB. N’empêche, dès que le chœur des
gitanes a commencé à chanter, pouf, je ne pensais plus qu’à ça. Pareil avec les
amis de Violetta et Alfredo qui trouvent qu’il est bon de faire la fête
jusqu’au petit matin : c’est comme s’ils me parlaient d’un gros plat de pâtes
à la bolognaise, tout ça en crinoline et smoking. Classe. En plus, moi je vous
le dis, les amis, après une bonne guinsse, un crapain ou une frite mayo, c’est
encore mieux que les pâtes.
Cette sauce à spâââ-ghetti qui se mélange aux pâââââ-teuh…
Et oui, c’est
le risque quand on va voir les classiques de l’opéra… La Traviata, c’est un peu
comme un concert de Patrick Juvet : on ne connaît pas tout son répertoire
mais il y a toujours bien un tube pour faire frissonner la foule. Allez, tous
en chœur ! Sauf qu’ici, les tubes, on ne les connaît pas grâce aux soirées
nostalgie que TF1 programme quand l’imagination des producteurs vient à manquer
(ça fait toujours plaisir) ni même par la magie des fonds d’escarcelle des DJ
du Pilsor, du Malibu, du Forst, du Succès, du Duc d’Artois ou du Palais de la
bière (c’est ma tournée et c’est celle de Claude F. et de Patrick J., de Début
de Soirée et du Lac du Connemara). Non, non, les tubes de la Traviata, on les
connaît par la pub, et ça, c’est pire. Cette
sauce à spâââ-ghetti qui se mélange aux pâââââ-teuh… Pauvre Verdi.
Sinon, entre
les tubes, y avait tout le reste que je ne connaissais pas. Ma culture en opéra
c’est un peu, comment dire ?, c’est un peu comme un champ subventionné par
la PAC. En friche. Donc, j’ai quand même eu l’esprit libre de sauce tomate et
de protections féminines pendant un bon bout de temps, si libre qu’à un moment
ma tête a chu sur l’épaule de Phiphi. Gentil Phiphi. Allez, j’exagère, ma tête
n’a reposé que quelques minutes (l’entracte m’a réveillée). Il faut dire,
franchement, le scénographe ne s’est pas foulé, ni le directeur de casting, ni
le costumier finalement (on mélange les époques mais à part une petite fente
dans la jupe, on n’invente pas grand-chose).
Pour la scénographie, ça se résume
à une structure de fer rouillé, genre échafaudage arte povera, que le machiniste déplace à chaque tomber de rideau
pour nous faire croire qu’on a changé de lieu. Mais je ne suis pas dupe,
c’était bien la même scène. Faut pas me prendre pour une biesse. Je ne suis pas
contre le minimalisme mais alors il faut que le rien apporte un plus. C’est
paradoxal mais si c’est minimaliste par principe, je dis non. Si c’est par
mesure d’économie, alors, à la rigueur, je veux bien l’admettre. Mais bof, bof, bof. D’autant que
les accessoires, c’est-à-dire quatre chaises, deux banquettes, une table, deux
fauteuils en rotin (pour quand Alfredo et Violetta sont dans leur maison de
campagne : ben oui, des meubles de véranda !), d’autant que les accessoires,
donc, ils étaient tout gris eux aussi. Même pas drôle.
Pourtant ça
n’aurait pas fait de tort de mettre un peu de couleur et de matière là-dedans.
Je vous explique.
Violetta est une courtisane, l’une des plus belle femmes de
Paris, elle a la ville a ses pieds et tout ce que Paris compte d’hommes encore
verts et point désargentés voudrait bien convoler avec elle en injustes noces.
Pourtant, comme dit Caro L qui a un très bon accent, « Povera donna, sola, abbandonata in
questo popoloso deserto che appellano Parigi... » Violetta se noie dans
les fêtes n’a jamais connu l’Amour et a la tuberculose. Et vi, Violetta n’est
autre que la Dame aux camélias que Verdi a empruntée à Dumas fils. Mais l’Amour
lui tombe dessus, c’est Alfredo qui s’en vient lui déclarer sa flamme. Ouhlala,
elle frémit, elle hésite, abandonner le tourbillon des fêtes, les amants, le
luxe et les bals masqués owhé, owhé… Mais Alfredo, mama mia, che ragazzo… Tomber de
rideaux, on retrouve les amoureux à la campagne, en banlieue parisienne, avec
leurs fauteuils en rotin, heureux et tutti quanti. Evidemment, leur paix
bobonne va se troubler. Je vous passe les détails, juste la fin de l’histoire,
que ça ne vous empêche pas de dormir. Nos héros se sont séparés, Violetta est
reprise par sa vilaine toux (normal, quand on se balade en nuisette de soie
épaisse comme du papier à cigarette), elle est rentrée à Paris sans le sou et
sans son Alfredo et elle se meurt dans son petit lit. A la limite, elle est
contente de mourir parce que la vie sans son chéri, c’est pas terrible. Donc voilà,
elle va mourir et, ding-dong, v’là-ti pas Alfredo qui se ramène et qui lui dit
qu’il l’aime, qu’il y a eu maldonne et que c’est vraiment idiot de s’être
séparés comme ça. Du coup, Violetta, toute bînaise d’avoir retrouvé son chéri ne
veut plus mourir. Mais à l’époque, la médecine n’est pas tellement au point et
donc elle meurt et c’est bien triste. Tout ça en chantant à fond les poumons ;
c’était sûrement une tuberculose des pieds qu’elle avait.
Bref. Voilà où je veux
en venir : vous imaginez aisément le tableau, Alfredo et Violetta sont des
espèce de jeunes premiers, ils cueillent encore l’aérienne fleur de l’âge, Aphrodite et Ephèbe, beaux
comme des gravures de mode, hou lala, j’en ai des vapeurs. Et bien c’est là que
le scénographe et l’accessoiriste auraient dû être briefés par le directeur de
casting parce que si Violetta et Alfredo chantent à la perfection (vraiment, Yali-Marie Williams est merveilleuse),
question silhouette, c’est pas trop ça. C'est même pas ça du tout. Tous les deux sont un petit peu trop
gras pour le rôle, ce n’est pas tout à fait l’image qu’on se fait d’une beauté
parisienne et de son noble amoureux, jeune, tumultueux, passionné, sincère, hou lala, j’en ai des vapeurs. En rajouter et vêtir Alfredo d’un costume clair tendance Gatsby le Magnifique, habiller
Violetta en épais tutu de tulle rouge, non, non, et non. Surtout quand il y a
autour d’eux des seconds rôles et des figurants qui prennent du coup des allures
d’osseux top modèles.
Mon commentaire peut paraître idiot parce que, après
tout, tout ce qu’on leur demande c’est de jouer et de chanter (en plus, en vrai, la
soprano est indéniablement fort belle),
le problème c’est qu’on n’y croit pas une seconde à ce joli petit couple et au
statut de Violetta de plus belle femme de Paris. A la santé précaire de surcroît, bien
cachée sous ses bonnes joues et ses cuisses de Rubens. Donc, voilà, moi, si le
directeur m’avait mise au parfum, à la place du scénographe et de ses échafaudages j’aurais mis des
ors et des tissus, des fleurs et des couleurs, des tapis et du cristal. De la
chantilly tout autour, quoi, pour noyer les gros macarons qui chantent.
C’eut été délicieux.
Cette sauce
à spâââ-ghetti qui se mélange aux pâââââ-teuh…
A bientôt les amis ! (Si vous êtes encore là.)